Jean Rouberol Library / Fonds Jean Rouberol, Université Gustave Eiffel

En 2019, la famille Rouberol a généreusement fait don à l’Université Gustave Eiffel de la bibliothèque de Jean Rouberol (1930-2019), grand américaniste et spécialiste de Faulkner. Le fonds contient environ un millier de titres. Vous trouverez ci-dessous une description du fonds, un accès au catalogue, disponible également ici, et les informations pratiques correspondantes, ainsi qu’un portrait et une bibliographie de Jean Rouberol.

Le fonds Jean Rouberol, catalogué en 2020 par Nowen Moreau et Éléa Paul, est conservé dans le bureau 3.142 du bâtiment Copernic de l’Université Gustave Eiffel (laboratoire LISAA [équipe SEA], UFR de Langues). Pour tout renseignement concernant consultation ou emprunt, merci de bien vouloir s’adresser à Olivier Brossard à : olivier.brossard@univ-eiffel.fr

Outre la très riche collection d’ouvrages de et sur William Faulkner, ainsi que les nombreux volumes de civilisation et littérature, la bibliothèque Jean Rouberol contient une édition exceptionnelle de Leaves of Grass de Walt Whitman, datée de 1888, signée de la main du poète, et numérotée à la main par l’éditeur (exemplaire #199 sur 600). La Bibliothèque du Congrès américain conserve les études préparatoires de Whitman pour l’édition de ce livre (voir boîte 19).

Le catalogue est consultable ci-dessous, également disponible sur google sheets (d’une consultation plus aisée) en cliquant ici :

Jean Rouberol (1930-2019), docteur ès lettres et sciences humaines, Professeur des Universités, spécialiste de civilisation et de littérature américaine.

Né en 1930 à Limoges, Jean Rouberol, reçu à l’agrégation d’anglais, a d’abord enseigné aux lycées Claude Bernard et Lakanal avant de poursuivre sa carrière à l’université. Un temps chargé de cours à l’Université de Caroline du Sud, il a été Maître assistant à l’Université Paris X – Nanterre (1968-1973), Maître de conférences à l’Institut d’Études Politiques de Paris, avant de devenir Professeur à l’Université Paris XIII Villetaneuse (1973-1985) puis Professeur à l’Université Paris IV – Sorbonne jusqu’en 1997. Ayant décidé de consacrer ses recherches à la civilisation et la littérature américaine, Jean Rouberol est devenu l’un des grands spécialistes de William Faulkner. Dans la thèse qu’il a écrite sous la direction de Roger Asselineau et Louis Landré, il a exploré « la part du sud » dans l’œuvre de Faulkner en étudiant ce qu’elle doit à la géographie, l’histoire, les mythes et récits : Jean Rouberol définissait ce sud comme « une province de l’esprit humain », le lieu des contradictions assumées : « le sud c’est tout ce qui en nous est partagé, tout ce qui ne meurt pas de se contredire ».

Jean Rouberol (D.R.)

Bibliographie sélective :

Jean Rouberol, Jean Chardonnet, Les Sudistes, Paris, Librairie Armand Colin, 1971.

Albert Laffay, Henri Kerst, Jean Rouberol, Contemporary American Novelists, Paris, Masson & Cie, 1973.

Jean Rouberol, L’Esprit du sud dans l’œuvre de Faulkner, Paris, Didier érudition (Coll. « études anglaises »), 1981. Il s’agit de la publication de la thèse d’Etat écrite par Jean Rouberol sous la direction de Louis Landré et Roger Asselineau.

Jean Rouberol, « Le Conteur du sud », Revue L’ARC, ed. Marc Saporta, 1983.

Nicole Moulinoux, Jean Rouberol, eds., Lectures de Huckleberry Finn, Rennes, Presses universitaires de Rennes (Coll. « études américaines ») , 1996.

Cours d’agrégation et de CAPES du CNED : The Education of Henry Adams

Livres de Jean Rouberol disponibles à la Bibliothèque nationale de France.

Thèses dirigées par Jean Rouberol

Autres contributions

Régisseur du film de Paul Bordry, Un jour comme les autres, 1958

Radio Unesco :

–  texte de l’émission « Salut au monde » pour célébrer les 150 ans de la naissance de Walt Whitman – émission sur « Le Vent du nord est » de Othman Kelantan

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Inauguration du fonds Jean Rouberol

Le 29 octobre 2021

Université Gustave Eiffel, Champs sur Marne

 

Madame la Directrice de l’UFR, Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs les professeurs et responsables de l’administration, chers étudiants

 

Nous souhaitons tout d’abord vous remercier de nous convier à cette inauguration à un moment où la remise en route de l’université vous mobilise fortement. Vous nous aviez déjà procuré un grand plaisir en nous envoyant en plein confinement, la photo des ouvrages dans leur nouvelle maison, dépoussiérés et bien rangés dans des étagères toutes neuves (on mesure le travail que cela a représenté).

 

Réunir à la fois la famille intime et la famille des affinités intellectuelles pour inaugurer le fonds Jean Rouberol nous permet à la fois de vous rencontrer et d’honorer le travail universitaire d’une vie. Cette rencontre intervient de plus en ce 29 octobre où Jean aurait fêté son 91ème anniversaire.

Les livres et l’enseignement ont été la grande affaire de sa vie. 45 ans de transmission et à chaque étape, le plaisir des échanges avec ses étudiants comme source de stimulation renouvelée.

C’est donc très naturellement que nous avons choisi de faire don de ses livres à une université afin qu’ils continuent à bénéficier à des esprits avides de réflexions.

 

Ce fonds nous parle aujourd’hui de ce que fut Jean Rouberol et son époque.

Heureux hasard ou signe du destin, ces livres poursuivent désormais leur histoire dans une université consacrée à l’espace et l’aménagement du territoire. Cela vous semblera peut-être difficile à croire mais c’est en consultant les travaux de Jean pour écrire les éléments de notice biographique, que le rapport à l’espace la géographie, m’est apparu comme omniprésente dans tout son travail au point qu’on peut se demander s’il n’a pas choisi Faulkner pour parler du sud plutôt que le contraire.

Définir le sud comme une province de l’esprit c’est chercher ce que la pensée doit à l’espace, à la matérialité du corps dans l’espace et à son point de jonction avec l’histoire avec un grand H.

Or on retrouve cette ligne de force spatiale dans les travaux de deux figures qu’il côtoya et admira lors de ses années de formation : Julien Gracq, son collègue du lycée Claude Bernard, professeur de géographie dans le civil et dont on comprend qu’il partagea surtout les silences ; Jacques Cabau, l’auteur de La Prairie perdue et comparse de service militaire dans la Royale. On imagine que ces deux-là eurent des choses à se dire en sillonnant les mers de Scandinavie, à commencer par l’approche de la linguistique pratiquée par l’institution militaire. Affectés au service du chiffre et de la traduction y compris en danois, norvégien, suédois. Jean objecta qu’il n’en parlait pas un traitre mot ; on lui rétorqua : « écoutez Rouberol, vous parlez anglais, vous parlez allemand, ça fera bien l’affaire ».

 

Le fonds traduit combien Jean était profondément concerné par les enjeux politiques de son époque. Enfant de la guerre il fut et restera. On ne grandit pas sur la ligne de démarcation sans être durablement impacté par les fractures de l’histoire.

Lorsqu’il débarque aux États-Unis en 1953, le pays est encore ségrégationniste tandis que la France sort sans gloire du colonialisme. Jean a d’ailleurs relève dans sa thèse la conscience d’un sud douloureux, commune à Camus et Faulkner : Dixie et l’Algérie qui ne laissent pas en paix les sociétés américaines et françaises.

On le retrouve assistant à Nanterre en 68. Il aimait à rappeler qu’avant même l’affaire de l’absence de mixité de la cité U, les prémisses de la contestation remontaient, quelques mois auparavant, au projet de revenir sur la mixité de la bibliothèque. De la place des livres dans une contestation.

Pour rendre compte de cette emprunte historique, nous avons choisi de ne pas retrancher du fonds des ouvrages dont le traitement de certains sujets est daté voir contestables. Ils constituent aussi un témoignage de l’histoire d’une partie du 20ème siècle, en particulier de la question des droits civiques.

 

Ancrés dans leur époque, ses livres nous indiquent aussi son goût pour toutes les avant gardes (il pouvait passer des après-midis entières à enchaîner les films à la cinémathèque) qui n’exclut pas une réserve à l’égard de l’écume des effets de mode. André Bleikasten l’a bien noté dans le commentaire suivant :

« Jean Rouberol n’a pas cru devoir peindre sa thèse aux couleurs de la mode ; il n’a même pas jugé opportun de lui donner un vernis de modernité. On a beau chercher : pas un zeste de psychanalyse, pas un doigt de marxisme, pas le moindre soupçon de socio-critique. Ce qui nous est offert ici est une belle thèse classique, sûrement documentée, riche en aperçus judicieux et en rapprochements éclairants et d’une prose si sobre et si lisse qu’on soupçonne son auteur d’avoir mis un point d’honneur à se passer des lexiques critiques au goût du jour ». André Bleikasten, novembre 1983, Revue Française d’Études Américaines.

 

Enfin, nous nous réjouissons que le fonds se trouve désormais dans, et j’assume le terme, une « fac de banlieue » à la fois périphérique par rapport à la capitale tout en constituant un pôle d’attraction. C’est là aussi une belle continuité de son parcours intellectuel, puisqu’il enseigna en banlieue et en périphérie la plus grande partie de sa carrière : à Nanterre, Villetaneuse, Clignancourt. Mais au-delà, c’est peut-être l’action de se décentrer, qui a pu le conduire au cœur de sa réflexion : « la vie et l’œuvre ne se font pas malgré mais par la contradiction ».

 

Jean alliait curieusement un scepticisme de court terme à une confiance de long terme en l’humanité et en particulier la jeunesse. Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir en compagnie de ses livres et de ses travaux pour poursuivre peut-être « la conscience des hommes multiples et de leurs contradictions assumées ».

 

Florence, Isabelle et Jacques Rouberol